Webcam Venus (2013)
Video (couleur, audio), media player, écran et projecteur. Dimension variable 2 min, 41 sec
« Quand j’en vois, je la reconnais ». – Potter Stewart, juge de la Cour suprême des États-Unis, à propos de la définition floue de la pornographie hardcore, 1964.
À la question de savoir s’il existe une différence entre le tableau « La naissance de Vénus » de Botticelli (1486) et un poster pin-up de Playboy, la plupart des gens répondront sans hésiter : le premier est de l’art tandis que le second est de la pornographie. Le premier évoque les idéaux humains, le second la pornographie. Botticelli et Hugh Hefner sont-ils vraiment si différents ? Tous deux diffusent des images fantasmatiques et érotiques à travers les médias de leur époque. Tous deux sont des véhicules de politique de genre, définissant des normes de beauté et de sexualité. Et si les acteurs et actrices de films X – considéré.e.s comme des objets sexuels diffusés via les médias – prenaient des poses héritées de la peinture classique ?
Pour « Webcam Venus », les artistes ont demandé à des performeurs sexcams de reproduire des œuvres d’art célèbres. L’œuvre est à la fois un hommage expérimental aux beaux-arts et au phénomène Internet des cams. Les sexcams utilisent des webcams et des interfaces de discussion en ligne afin de mettre en relation des acteurs et actrices pornographiques avec leur public. Les internautes se connectent pour voir des hommes, des femmes, des transsexuels, des couples et des groupes afficher leur corps et leur sexualité en direct, souvent contre rémunération. Pour donner vie à cette expérience high-art / low-art, les artistes ont adopté des pseudonymes et passé plusieurs heures par jour durant un mois à demander à ces performeurs : « Voudriez-vous poser pour moi ? ».
« Webcam Venus » aborde également la question des cultures en réseau et de la digiphrénie : comment la technologie nous permet d’être dans plusieurs espaces à la fois, voire d’adopter simultanément différentes identités. Les acteurs et actrices de sexcam fabriquent des identités par le biais de pseudonymes, de costumes, de masques et de décorations intérieures provocantes pour le public qui les regarde. La monstration de leur sexualité fait partie intégrante de cette identité. En leur demandant de poser de manière « classique », les performeurs sexcams deviennent soudainement auto-conscients ; ils et elles souhaitent alors se recoiffer ou adapter leur environnement pour mieux répondre à notre demande. Durant un court instant, « Webcam Venus » révèle l’identité vivant en dehors de l’espace de la webcam, une identité où le sujet doit aller au-delà des protocoles établis par l’acte de la performance sexuelle par caméra interposée. Un paradoxe a alors émergé : IRL (dans la vie réelle), les nu.e.s artistiques sont acceptables alors que les corps nus sont inacceptables ; NIRL (hors de la vie réelle), les actes sexuels explicites sont acceptables alors que la désexualisation face à la webcam n’était pas simple à accomplir pour certain.e.s artistes.
Courtesy bitforms gallery, New York